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Il est où le bonheur ?

Dernière mise à jour : 11 juil. 2020

On leur avait pourtant dit de rester chez eux, car sortir devenait périlleux. Une menace commençait à sévir sous la forme d’un virus totalement inconnu, mais extrêmement contagieux et qui se rapprochait dangereusement de l’île de Toa. Le seul moyen efficace de s’en protéger, disait-on, était d’attendre que lasse de ne trouver personne, il s’en aille vers d’autres contrées.

Dans un premier temps les gens respectèrent les consignes et suivirent à la lettre les indications reçues, en se calfeutrant chez eux, les volets fermés. Ils avaient fait leurs réserves, avaient de quoi tenir un siège et devraient se contenter de la radio pour tout contact avec l’extérieur. Et puis certains furent curieux du calme qui régnait dehors. Aucun orage, aucun bruit, autre que celui des oiseaux qui chantaient. Ils osèrent donc entrouvrir leurs volets, attirés par ces douces mélodies. D'abord éblouis par un soleil radieux, ils virent, émerveillés, le printemps qui s'installait. Ne résistant pas plus longtemps ils voulurent sentir l'air frais sur leur visage et ouvrirent les fenêtres, sortirent même sur le balcon pour profiter de cette vie qui germait dehors et qui sentait si bon. Une petite poignée d’indigènes commença alors à devenir sceptique. Leur racontait-on vraiment la vérité ? Rien, à première vue, ne semblait inquiétant, aucun signe dans le ciel, la mer était calme et les animaux semblaient particulièrement sereins. Pour essayer de comprendre ce qui se passait vraiment, Tim et Léo s'aventurèrent dans le jardin. Ils furent alors accueillis par une brise légère qui d’abord les frôla, puis les caressa en sifflant, avant de les envelopper d’une douce chaleur. Un sentiment étrange s’empara d’eux. Ils ressentaient comme un merci en réponse à une invitation. Était-ce le calme avant la tempête, se demandèrent-ils ? Alors qu’ils hésitaient encore, la sensation de bien-être qui les envahissait les fit sourire, puis parler à d'autres égarés comme eux, puis même rire. Et c'est ainsi que de premiers éclats de rire résonnèrent ici et là sur l’île, vite rejoints par d’autres et par d’autres encore. Puis alors que les plus obéissants restaient toujours calmement chez eux, que les apeurés ne dormaient plus, craignant les nouvelles de plus en plus catastrophiques qui leurs étaient transmises, quant à un virus mortel qui entraînerait la chute brutale de leur économie florissante et la fin de la vie insulaire qu’ils connaissaient, les plus audacieux s’armèrent de courage et décidèrent d'aller voir leur famille et leurs amis. Quitte à ce que le monde s’écroule, autant passer les derniers temps avec ceux qu’ils aimaient. Et leur surprise fut grande. Le monde au dehors était non seulement merveilleusement beau, de ce vert printanier contrastant avec le bleu du ciel, de tous ces arbres fruitiers en fleurs aux couleurs pastel comme de ces arbustes pétillants de vie tels les forsythias ou de ces fleurs dans les champs, pissenlits, pâquerettes, primevères, mais il était aussi fabuleusement agréable à vivre.

Si le monde des hommes était au repos forcé, la terre était vivante et pleine d’énergie. Tim et Léo prirent alors de grandes respirations, comme pour s’en nourrir avant de prendre le risque de braver les consignes. Ils retrouvèrent leur famille et leurs amis, partagèrent ensemble des moments inoubliables, conscients que ce seraient peut-être les derniers. Ils vécurent ces minutes intensément et profondément, totalement présents dans l’instant, à cent pour cent. Le passé n’avait plus aucune importance et leur futur n’existerait sûrement jamais. Alors autant aimer et vivre pleinement.

Après cette fabuleuse découverte, ils rouvrirent les fenêtres pour accueillir chez eux la chaleur du soleil, que jamais encore ils n’avaient autant appréciée. Les jours suivants ils encouragèrent leurs enfants à sortir, vivre, jouer et chanter avec leurs copains.

Comme les oiseaux, gazouillant, avaient attiré les premiers hommes, les enfants, riant, criant et se bousculant dans la rue, attirèrent l’attention des plus récalcitrants, qui finirent eux aussi par faire tomber leurs barrières pour vivre à leur tour ce grand bouleversement apparu depuis peu dans leur monde.

Cette expérience chamboula la vie de tous les habitants de Tao, les rendit plus attentifs aux autres, aux petites choses, aux petits riens qui les rendaient heureux. Ils arrêtèrent de toujours en vouloir plus, se contentèrent d’apprécier ce qu’ils avaient, mais surtout se rendirent compte qu’il valait mieux être, qu’avoir, mieux vivre pleinement, vivre ses rêves, que de se battre pour survivre dans ce monde de fous. Dorénavant ils vivraient avec joie, amour, avec plus d’humanité, de valeur et de partage.

Les politiques avaient voulu les protéger d’un virus qui dévasterait leur système et leur façon de vivre. Mais avait-il été judicieux de vouloir se battre contre cet ouragan de positivité, cette tornade d’amour, ce cyclone de bonheur, leur faisant redécouvrir les vraies valeurs de la vie ? Ils avaient tenté en pensant bien faire, mais échoué, la réflexion et la hargne de vivre sur Tao ayant été plus forte que les craintes.

On leur avait pourtant dit de rester chez eux, mais tous n’avaient pas écouté. Leur envie de croire au meilleur, de vivre pleinement leur avait permis de suivre leur intuition et leur coeur, de prendre des risques, de grandir en faisant leurs propres choix, d’apprendre à toujours s'émerveiller et surtout de n’avoir jamais rien à regretter.

Nouvelle écrite pour un concours en avril 2020 selon les consignes suivantes :

Le texte doit commencer par "On leur avait pourtant dit de rester chez eux"

Le texte est libre, mais ne doit pas dépasser 5500 caractères

Line Beladeta © 180420

Tous droits réservés

Remerciements pour la photo à http://anry.design.ru

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